samedi 8 juin 2013

JP MOHEN

Je suis très heureux de vous dire ce soir la reconnaissance et l’admiration de la France pour votre carrière exemplaire au service de notre patrimoine. Spécialiste du néolithique et de la protohistoire, vous êtes, cher Jean-Pierre Mohen, un grand conservateur. Vous donnez à ce métier l’ampleur la plus large et la plus haute. Vous êtes un grand scientifique, dont l’autorité et la compétence sont unanimement reconnues et appréciées, tant sur le plan national qu’international.

Après des études d’histoire et de préhistoire à Bordeaux, vous réussissez en 1967 le concours de conservateur des musées de France. Puis vous entrez au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye. Tout en continuant vos recherches sur les civilisations anciennes et préhistoriques, vous obtenez en 1979 un doctorat d'État en préhistoire à Paris I Panthéon-Sorbonne sous la direction du professeur André Leroi-Gourhan sur L’âge de Fer en Aquitaine. Nommé à la direction du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en Laye en 1987, vous rénovez la présentation des sections préhistoriques et protohistoriques, et de la salle d’archéologie comparée. Vous attirez alors l’attention du public sur les premières grandes civilisations de l’Europe, en préparant les expositions au Grand Palais comme L’Or des Scythes, en 1975, Trésors des princes Celtes, en 1987, Les Vikings, en 1992. Vous prenez aussi, en 1989-1990, une part très active à l’organisation de l’Année de l’Archéologie et vous devenez commissaire de l’exposition Archéologie en France, bilan remarquable des trente dernières années.
Vous n’aurez de cesse de favoriser les relations avec vos collègues des autres musées d’archéologie. Vous faites du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye un interlocuteur incontournable des musées d’archéologie en région et à l’étranger. Entre temps, en 1991, vous êtes promu Conservateur général du Patrimoine.

Vous rejoignez de 1992 à 1994, la direction des musées de France en qualité d’adjoint au Directeur, où vous suivez naturellement tous les dossiers scientifiques et patrimoniaux.
C’est en 1994 que vous prenez avec passion et enthousiasme la direction du Laboratoire de recherche des musées de France. Je sais l’hommage que vous rendez à vos prédécesseurs et en particulier à Madeleine Hours, qui a consacré cette institution et qui a contribué à donner naissance à cette nouvelle discipline de « restauration-conservation ». L’existence reconnue de cette discipline va donner un nouvel essor au Laboratoire, qui se dote d’appareils sophistiqués et aborde de nouveaux domaines d’investigation. Avec le montage d’AGLAE (Accélérateur Grand Louvre d’Analyse Elémentaire) et la mise au point de son faisceau extrait unique dans les musées du monde, le rêve de tout conservateur de pouvoir faire analyser une œuvre sans prélèvement, est enfin réalisé.
En 1995, l’installation dans ces vastes locaux de 5000 mètres carrés marque une nouvelle étape pour le Laboratoire, qui fait une place de plus en plus importante à la recherche en chimie et à de fortes spécialisations dans l’étude des matériaux.
Vous assurez alors la fusion du Laboratoire de recherche des musées de France avec le Service de restauration des musées de France qui, sous le nom de C2RMF, centre de recherche et de restauration des musées de France, forme l’un des grands pôles mondiaux d’organisation scientifique sur les objets patrimoniaux et leur conservation.
Vous êtes depuis 1998 directeur du C2RMF, et directeur de l’U.M.R. 171 du CNRS, unité mixte de recherche, créée en commun par le CNRS et le ministère de la culture, qui poursuit des recherches fondamentales dans deux filières (Pierre- Arts du feu- Datation et Matière picturale - Arts graphiques).
Sous votre impulsion, le Centre de recherche des musées de France a développé encore les méthodes d’examen, les analyses des objets archéologiques ou artistiques de notre patrimoine, afin de mieux l’identifier, le conserver et le restaurer. Ainsi, vous avez su l’associer aux opérations de restauration les plus prestigieuses, comme, tout récemment, la Galerie d’Apollon au musée du Louvre et actuellement la Galerie des Glaces du château de Versailles.
Il y a vingt-cinq ans on évoquait « la science au service de l’art ». Aujourd’hui, on parle de dialogue entre l’art et la science, il existe toute une chaîne qui doit aller de l’étude à la conservation la plus pérenne possible et vous êtes, cher Jean-Pierre MOHEN, l’un de ceux qui ont œuvré de façon décisive à cette évolution.
S’agissant de vos recherches personnelles, je dois ajouter que vous avez participé ou dirigé de nombreuses fouilles archéologiques, comme celles du camp néolithique de Chez-Reine à Sémussac de 1965 à 1971, de la nécropole de Bougon de 1972 à 1987, du site fortifié du Fort-Harrouard à Sorrel-Moussel de 1984 à 1988. A Bougon, où sont apparues les premières architectures religieuses en pierre que l’on connaisse au monde, je voudrais simplement mentionner votre grand respect de l’approche sensible de ce lieu de mémoire, où pendant toute la durée des fouilles, vous avez invité la population, lui exposant vos recherches, la faisant même participer à l’extraction d’une énorme pierre de dolmen.
Vous êtes l’auteur de plus de deux cents publications et de très nombreux ouvrages, dont je mentionnerai Les rites de l’au-delà, L’Art et la Science, L’esprit des chefs-d’œuvre, Les Sciences du patrimoine, et parmi les plus récents Cultes et rituels mégalithiques et Cimetières autour du monde en 2003 et Le nouveau musée de l’Homme en 2004.
Vous avez publié environ deux cents articles dans des revues spécialisées ou des revues de vulgarisation concernant la préhistoire, l’archéologie et les musées.
Vous êtes aussi directeur depuis 1984 de la publication TECHNE.
En 1999, vous avez remis un rapport sur le projet des alignements de Carnac. La difficile mise en valeur de ce site vous préoccupe toujours, puisque vous êtes membre du comité scientifique chargé d’orienter les projets de recherche.
De mars à septembre 2003, vous avez été chargé d’une mission de réflexion pour un nouveau projet scientifique du Musée de l’Homme par les quatre ministres de tutelle de cette institution (Education, Recherche, Environnement, Culture). En proposant de redéployer les collections et de redonner son rôle pédagogique au nouveau musée de l’Homme, vous avez su répondre à ce défi de manière convaincante et dans des délais particulièrement courts, en bâtissant un projet centré sur la connaissance de l’Homme, sous toutes ses facettes, tout en l’inscrivant dans une histoire longue.
Je ne mentionnerai pas l’ensemble des associations ou comités, dont vous avez fait ou faites partie, et je dirai seulement que vous avez été secrétaire général puis président de la Société préhistorique française, et que vous êtes membre de l’Académie des Technologies. Vous êtes aussi un représentant éminent de la France dans de nombreux congrès scientifiques internationaux à Prague, Belgrade, Nice, Mexico, Mayence. Vous participez aux assemblées générales de l’International Council of Museums (ICOM), dont vous avez été le trésorier. La reconnaissance internationale de vos compétences scientifiques vous a valu d’être nommé membre de la commission française de l’UNESCO en 1986, et d’être co-directeur du volume II de l’histoire scientifique et culturelle de l’humanité de l’UNESCO. Et vous êtes par ailleurs membre correspondant de l'Institut allemand d'archéologie.
La discipline que vous avez enseignée à l’école du Louvre, à l’Institut de paléontologie humaine, les recherches et les fouilles que vous avez conduites, dépassent largement le cadre de notre pays, pour s’inscrire dans l’espace européen dont vous contribuez éminemment à comprendre l’histoire commune.
Je me réjouis donc de l’occasion qui m’est offerte, cher Jean-Pierre Mohen, de saluer l’œuvre considérable que vous avez menée inlassablement, avec une détermination et une créativité exemplaires, au service de la recherche archéologique, de l’identification, de la conservation et de la restauration du patrimoine, et des musées de France.
Pour la qualité exceptionnelle du travail que vous avez accompli, Jean-Pierre Mohen, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier de la Légion d’Honneur.


photos : Farida Bréchemier / MCC


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